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NAISSANCE DE LA GENDARMERIE NATIONALE / INTRODUCTION 1

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NAISSANCE DE LA GENDARMERIE NATIONALE / INTRODUCTION 1 Empty NAISSANCE DE LA GENDARMERIE NATIONALE / INTRODUCTION 1

Message par Président Dim 6 Aoû - 22:22

INTRODUCTION


NAISSANCE DE LA GENDARMERIE NATIONALE / INTRODUCTION 1 Cavali10
.
En 1789, Necker donne à Leclerc de Montlinot une mission d’inspection sur les enfants trouvés dans la généralité de Soissons1. Dans le rapport publié en avril 1790, une brève communication nous informe des prérogatives de la maréchaussée, « employée pour faire vérifier l’état des enfants trouvés répandus dans les villages de la province. » Leclerc de Montlinot ajoute qu’il est important de ne pas négliger la maréchaussée :
« La maréchaussée est la seule troupe de citoyens armés qui, à la forme militaire, joigne les vertus pacifiques de la société. La plupart sont chefs de famille, tous connaissent parfaitement le district où ils sont attachés ; leurs courses fréquentes, leurs relations avec les habitants des campagnes, les lient naturellement avec le peuple, ses mœurs et ses habitudes. C’est en faisant son service ordinaire, que les cavaliers remplissent les vérifications d’enfants, qui seront imprimés et renvoyés aux départements chargés de ces détails. »
Selon Montlinot, le statut militaire de la maréchaussée n’est pas incompatible avec sa mission de pacification de la société. Sa fonction essentielle ne réside pas uniquement dans une justice criminelle répressive. Elle a pour mission d’assurer la sécurité publique, facilitée en cela par les contacts qu’elle noue avec les populations rurales. Sa capacité à remplir ses fonctions s’accomplit dans les limites du service ordinaire qui consiste en de nombreuses tournées journalières sur les grandes routes et les chemins de traverse. Ainsi les cavaliers, pères de famille eux mêmes, ont une connaissance approfondie du district qu’ils sillonnent avec pour rôle d’écouter, de rassurer et d’intervenir dans le cadre de la protection de l’enfance.
La gendarmerie hérite des structures de la maréchaussée enracinée dans le temps. La maréchaussée est établie pour le maintien du bon ordre dans le royaume. Elle recueille les compétences judiciaires et à ce propos elle devra s’adapter aux changements. Il faudra replacer l’ordre dans une société révolutionnaire par essence en désordre et les gendarmes devront faire appliquer les lois en conformité avec le respect des droits de l’homme et du citoyen.
1 THUILLIER (Guy), Un observateur des misères sociales (texte imprimé), Leclerc de Montlinot : 1732- 1801, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 2001.
11
Le prévôt des maréchaux est un officier d’épée, il bat la campagne avec des cavaliers ou des archers. Il assure la sûreté publique. Il a pour mission de faire le procès des vagabonds, gens sans aveu et sans domicile. La compétence judiciaire est donc reconnue à la maréchaussée puisqu’elle juge les marginaux.
L’édit de mars 1720 supprime toutes les maréchaussées du royaume pour les récréer : une compagnie est implantée par généralité. Le Roi transforme ainsi la maréchaussée en force nationale.
Les ordonnances du 25 février 1768 et 27 décembre 1769 réglementent le service, la discipline des maréchaussées et l’encasernement des cavaliers.
L’ordonnance du 28 avril 1778 renforce la militarisation des maréchaussées. A cette date, la vénalité des charges est abolie, chaque officier reçoit un brevet lui décernant le grade auquel il peut prétendre par assimilation avec les officiers des troupes réglées. En outre, le logement en brigades devient la règle, les missions sont également précisées.
La militarisation de la maréchaussée sous l’Ancien Régime c'est-à-dire l’implantation des brigades dans les provinces, engendre une force nationale capable de veiller à la sûreté des chemins. Le personnel est payé par l’Etat, il se loge, non plus chez l’habitant, mais en brigades. Les cavaliers obéissent au même règlement, diffusé sur tout le territoire français. Ils répondent à des règles militaires ; au reste, ils doivent justifier d’un ou deux engagements dans l’armée avant d’intégrer l’arme. Néanmoins, le but principal de la maréchaussée reste l’arrestation des marginaux mais elle ne peut prétendre quadriller et surveiller la totalité du territoire étant donné le faible nombre de cavaliers (3 500). Toutefois, en 1791, lors de la transformation de la maréchaussée en Gendarmerie nationale des mutations importantes se sont déjà produites.
La loi votée le 16 février 1791 est l’acte de naissance de la Gendarmerie nationale. Lors du projet de décret sur l’organisation du corps de maréchaussée, le titre premier, article 1er est adopté dans les termes suivants : « la maréchaussée portera désormais le nom de gendarmerie nationale». Elle va perdre la juridiction prévôtale et voit son intégration totale à l’armée. Néanmoins, ses missions ne sont pas modifiées. Elle maintient l’ordre quotidien, elle est vouée à « la sûreté des campagnes et des grandes routes. »
La loi du 14-29 avril 1792 accentue la subordination de la gendarmerie à l’autorité civile. Tandis que celle du 28 germinal an VI (17 avril 1798), promulguée sous le Directoire, définit la gendarmerie comme « une force instituée pour assurer dans l’intérieur de la République le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. »
12

L’an VIII renforce la gendarmerie. L’arrêté du 29 pluviôse an VIII (18 février 1800) établit deux cents brigades dans l’Ouest de la France sur le territoire des 12e, 13e, 14e, et 22e divisions militaires, sous les ordres de l’inspecteur général Wirion, pour y réprimer les délits et maintenir l’ordre public.
Les mesures énergiques prises à l’encontre des brigands, facilitent le travail des gendarmes : les brigands pris les armes à la main sont jugés dans les quarante huit heures par les commissions militaires accompagnant les colonnes mobiles, et fusillés. L’organisation est complétée le 8 germinal an VIII (29 mars 1800) « par la création d’un inspecteur général choisi parmi les officiers généraux et qui, sous la triple autorité des ministres de la Guerre, de la Police générale et de la Justice, a la surveillance de la gendarmerie et la direction de tout ce qui concerne le service de cette troupe2. »
Entre 1789 et 1801, les effectifs passent de 4100 cavaliers à 15 000 gendarmes. L’arrêté du 12 thermidor an IX (31 juillet 1801) porte 15 000 hommes de troupesqui sont répartis entre 1750 brigades à cheval et 750 à pieds. Durant cette période la gendarmerie subit deux épurations.
La loi du 25 pluviôse an V (13 février 1797) prescrit le licenciement de la gendarmerie à cheval faisant le service de l’intérieur.
Le 21 fructidor an V (7 septembre 1797) commence l’épuration des officiers de gendarmerie nommés après le 25 pluviôse. Un mois plus tard, le 18 vendémiaire an VI (9 octobre 1797) les sous-officiers et les gendarmes sont à leur tour licenciés.
Cette chronologie sommaire de l’histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie privilégie une approche institutionnelle de l’histoire3. Les textes de loi donnent le caractère des décisions prises par les régimes politiques qui se succèdent.
Notre travail repose sur un matériau législatif. Les grands textes organiques de l’histoire institutionnelle de la maréchaussée et de la gendarmerie nationale précisent son organisation sous l’Ancien Régime (mars et avril 1720, ordonnances de 1768 et 1778) et sous la Révolution (16 février 1791, 28 germinal an VI (17 avril 1798). On perçoit les mutations de ce corps qui tend à s’adapter, durant la décennie révolutionnaire.
2LARRIEU (Louis), Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie, des origines à la Quatrième République, Ivry /Maisons-Alfort, Phénix Editions/Service historique de la Gendarmerie nationale, 2002, Editions Charles-Lavauzelle, réédit. 1922, 1927 et 1933, p.508.
3 BROUILLET (Pascal), Chronologie de la maréchaussée et chef d’escadron EBEL (Edouard) Chronologie de l’Histoire de la gendarmerie, dans (Jean-Noël) LUC, Histoire de la Maréchaussée et de la Gendarmerie, Guide de recherche, Maisons-Alfort, Service historique de la Gendarmerie nationale, 2005, p.115et p.123.
13

Notre recherche s’inscrit dans une période courte. Elle débute avec le décret du 16 janvier 1791 (22, 23, 24 décembre 1790) relatif à l’organisation de la gendarmerie nationale et s’étend jusqu’au Directoire qui redéfinit les missions de l’institution dans la loi organique de 1798. Afin d’illustrer l’arrestation, par les gendarmes, des « catégories cibles », certains exemples concernent les années 1800.
La transformation de la maréchaussée en gendarmerie répond à un besoin de justice et d’ordre social. Professionnalisée, institutionnalisée, il faudra que les corps administratifs « apprennent au peuple à ne voir jamais en elle que les satellites de la loi »4. Les gendarmes concrétisent simultanément la continuité (le personnel reste en place) et la rupture (l’adaptation aux nouvelles lois). Précisément, tout au long de notre étude, nous nous sommes basés sur les lois afin d’étudier leur conséquence sur le nouvel établissement « Gendarmerie », tout en sachant qu’il est indispensable de replacer la législation dans son contexte politique, économique et social.
Dès octobre 1789, l’Assemblée est obligée de résoudre les problèmes, de créer et de faire fonctionner des institutions nouvelles. La loi du 22 décembre 1789 divise la France en départements, la Constitution est promulguée le 14 septembre 1791.
Conjointement aux débats sur la conservation de la maréchaussée, des discussions s’engagent à l’Assemblée nationale sur la force publique. Les réflexions sur le maintien de l’ordre de Jacques Guibert et de l’abbé Sieyès avec comme premier principe la conciliation de la liberté de chaque citoyen et l’emploi de la force publique conduisent à définir la force publique et son rôle.
La nécessité « d’une force publique » est énoncée dans la déclaration des droits de l’Homme. Il faut que les lois et décrets soient appuyés par une force publique qui assure l’ordre public et le repos. Bernard Gainot rappelle « la métaphore organique du Corps politique ». Il souligne que la notion d’ordre public ne s’appréhende positivement que par le Corps politique qui exerce l’autorité, qu’il est indispensable de disposer d’une force publique pour faire respecter l’ordre et qu’en négatif, la force publique lutte contre les « gens sans aveu » puis par extension, à l’époque révolutionnaire, contre les « suspects »5.
4 GUIBERT (J.-H., comte de), De la force publique considérée dans tous ses rapports dans Ecrits militaires (1772-1790), « XIV, Des maréchaussées, second degré de la force de police ». Paris, Copernic, collection « Nation armée », 1976, préface et notes du général Ménard.
5 GAINOT (Bernard), La force publique comme exemple de loi disciplinaire, communication inédite, colloque international, La loi en Révolution 1789-1795. Fonder l’ordre et établir la norme. Journée du 12 au 14 septembre 2013.
14

Le décret du 6 décembre 17906 sanctionné par le roi le 12 décembre 1790 donne une définition de la force publique. Il reprend les propositions de Jean-Paul Rabaut-Saint- Etienne. L’Assemblée nationale déclare comme principes constitutionnels ce qui suit :
«1° : La force publique, considérée d’une manière générale, est la réunion des forces de tous les citoyens ;
2°: l’Armée est une force habituelle, extraite de la force publique, et destinée essentiellement à agir contre les ennemis du dehors,
3° : les corps armés pour le service intérieur sont une force habituelle, extraite de la force publique, et essentiellement destinée à agir contre les perturbateurs de l’ordre et de la paix, 5° : Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer ; la force armée est essentiellement obéissante. »
Les cavaliers de maréchaussée puis les gendarmes se conforment aux lois issues du passé (en 1791, la loi de 1778 est toujours en vigueur) et obéissent aux nouvelles. Nous savons que la gendarmerie perd ses pouvoirs de « justice expéditive » tant décriés dans les cahiers de doléances. Il faudra maintenant distinguer les pouvoirs de police, des pouvoirs de justice et concevoir des institutions capables d’en assurer la mise en œuvre.
Mais qu’en est-il de la publication des lois et de leur diffusion ? Comment obliger les citoyens à obéir à la loi ? En cas de transgression, comment intervenir sur le terrain sans effusion de sang ? Comment empêcher l’exécution sommaire d’une personne lors d’une émeute de subsistance par exemple ?
Les garanties fondamentales contre l’arbitraire sont la Constitution et la séparation des pouvoirs. Afin de préserver les libertés, il est indispensable de séparer pouvoir législative et pouvoir exécutif. « Cette solution a la faveur des démocrates dès lors que la fonction législative est exercée par le peuple ou ses élus. Ainsi, en obéissant au pouvoir exécutif, subordonné à la loi, c’est à la loi que le peuple obéira, c’est-à-dire qu’il n’obéira qu’à lui- même. Mais il y a un risque, c’est que le pouvoir législatif s’empare de la fonction exécutive et cumule les pouvoirs, de sorte que la Constitution sera détruite7. »
Sous l’Ancien Régime, les ordonnances sont des textes de lois émanant du roi. Avec la Révolution, la loi n’est plus la loi du roi mais celle de la nation.
6 Archives parlementaires. Décrets 6-12 décembre 1790, suite de la discussion du projet de décret sur l’organisation de la force publique, tome 21, p. 252 et 253.
7 TROPER (Michel), La période révolutionnaire. L’ère des Constitutions, dans Le pouvoir en actes. Fonder dire montrer contrefaire l’autorité, Archives Nationale, Somogy éditions d’Art, Presses de Grafiche Zanini (Italie), 2013, p.40.
15

Le roi des français (et non plus de France) doit prêter serment de fidélité à la nation et à la loi. Cependant, il reste à organiser les nouveaux pouvoirs publics, à faire voter les lois, à les publier de façon à ce que chacun puisse les lire. Grâce à son aspect discursif, la loi qui s’applique à tous, est compréhensible par tous les citoyens. Naît le dogme que « nul n’est censé ignorer la loi. »
Le 23 septembre 1789 l’Assemblée décrète, à l’unanimité des voix, que :
« - Tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation et ne peuvent émaner que d’elle.
- le pouvoir législatif réside dans l’Assemblée nationale, qui l’exercera ainsi qu’il suit : aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s’il n’est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s’il n’est sanctionné du monarque. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi8. »
Le roi des français détient le pourvoir exécutif9, cependant, il n’exerce pas le pouvoir judiciaire. Avant la fuite à Varennes, « la sanction devenait obligatoire pour faire exister la loi, et pour la faire exécuter10. »
Les députés élaborent les lois, dans une enceinte publique : l’Assemblée. Pour qu’elles deviennent « force de loi », tout un processus se met en place, elles devront être : sanctionnées, promulguées, imprimées, diffusées, appliquées.
Bernard Gainot fait remarquer que dans l’article 6 de la Constitution de 1791, « force de loi désigne ainsi le caractère intangible de la loi, que le souverain lui-même ne saurait ni abroger, ni modifier11. »
Lorsque le roi a consenti, qu’il a sanctionné les décrets, la loi est promulguée : elle devient obligatoire et doit être appliquée. Le consentement de tous, donne « force de loi » à la loi. Les corps administratifs, les municipalités devront les transcrire sur des registres, les publier et les afficher dans leurs ressorts afin qu’elles soient exécutées comme loi du royaume. Les gendarmes sont garants, dans le domaine de « la force publique » de leur application.
8 A.P. Discussion et adoption du chapitre 3 de la Constitution, séance du 23 septembre 1789, tome 9, page 124.
9 Le Roi peut refuser la mise en application d’une loi votée par l’Assemblée mais seulement pendant deux législatures c'est-à-dire pendant deux ans. C’est ce qu’on appelle le véto suspensif, si la loi est votée une troisième fois, le Roi doit s’incliner.
10 ROUGE-DUCOS (Isabelle) (Ré)Inventer la loi dans Le pouvoir en actes, op. cit., p.87.
11 GAINOT (Bernard), La force publique comme exemple de loi disciplinaire. Communication inédite, colloque international, La loi en Révolution 1789-1795, Fonder l’ordre et établir la norme. Journées du jeudi 12 au samedi 14 septembre 2013.
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Selon Jean-Luc Chappey «les modalités et procédures de la publication de la loi s’inscrivent au cœur du processus de construction du nouvel espace politique au sein duquel s’impose de juin 1789 à juin 1794 la désormais fameuse Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale et sanctionnés ou acceptés par le Roi dite collection Baudoin12. » Baudoin13 a pour mission de publier les « décrets » enregistrés dans les procès-verbaux. Jean-Luc Chappey précise que les membres de l’Assemblée en faisant de Baudoin « l’imprimeur de l’Assemblée nationale » « lui assignent un rôle très précis : celui de garantir que les décisions adoptées par les députés seront diffusées de manière la plus exacte et la plus rapide ».
Les lois doivent parvenir dans les départements, les districts, les communes. Le décret de l’Assemblée nationale prévoit que chaque échelon administratif certifie au ministre dans un délai imparti, tant la transcription que la publication qu’ils auront faite faire que l’envoi aux différentes administrations14. Néanmoins, des plaintes s’élèvent contre leur diffusion. Des retards sont apportés à la publication des décrets, les changements ne sont pas mentionnées, ni même les observations.
Déjà le 20 octobre 1789, Target, député des communes de la prévôté et vicomté de Paris, signale que les décrets du 4 août ne sont pas parvenus dans plusieurs villes peu éloignées de Paris. D’autres députés notent que de nombreux décrets ne sont pas parvenus dans les villes15. « On se plaint sans cesse que les décrets, les arrêtés de l’Assemblée n’arrivent pas, ou ne circulent pas dans les provinces16. »
Si la loi ne parvient pas dans les départements, comment peut-on la rendre effective ? Pour que la loi soit appliquée, il faut la diffuser sans omettre « le temps de la loi » c'est-à-dire qu’elle évolue, elle obéit aux divisions politiques, aux renversements de régimes.
12 CHAPPEY (Jean-Luc), La diffusion de la loi dans l’esprit du peuple. Communication inédite, colloque international, La loi en Révolution 1789-1795, Fonder l’ordre et établir la norme. Journées du jeudi 12 au samedi 14 septembre 2013.
13Biographie nouvelle des contemporains ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la Révolution française ont acquis de la célébrité. Paris, librairie Historique, 1821.
BAUDOIN (François-Jean) est né à Paris en 1759. Il est libraire depuis 1777 et imprimeur depuis 1782 à Versailles. Il est élu député suppléant du Tiers aux états-généraux ce qui contribue à sa nomination d’imprimeur de l’Assemblée nationale. Il est officiellement chargé d’imprimer le procès-verbal de l’Assemblée nationale. Il est suspect sous Thermidor. En 1809, il cesse d’être chargé de faire les impressions pour le service du corps législatif. Il meurt en 1835.
14 A.P. décret du 2 novembre 1790, sur les formes de la sanction, de la promulgation, de l’envoi et de la publication des lois, tome 20, p.195.
15 A.P. Séance du 20 octobre 1789, discussion sur la publication tardive et incomplète des décrets, tome 9, p. 468.
16 A.P. Séance du 5 novembre 1789. Duquesnoy, député des communes du bailliage de Bar-le-Duc en Barrois, parle sur l’inexécution des décrets, tome 9, p. 697.
17

Susceptible de modifications, elle s’applique dans le temps. Elle subit également la contrainte matérielle des délais de route. Il faut livrer la loi à grande vitesse, les décrets voyagent par poste mais les transports peuvent accumuler des retards, les paquets se perdre. Lorsque les décrets sanctionnés ou acceptés par le monarque arrivent dans le département, il faut les distribuer. Isabelle Rouge-Ducos précise : « à charge pour eux de les transcrire ou de les republier dans les formes prévues par la Constitution de 1791. » André Castaldo souligne les problématiques soulevées par la diffusion de ces décrets devenus articles législatifs ou constitutionnels. «Ces envois exigent des délais importants », il faut les traduire « dans tous les idiomes de la France » et, surtout, l’expédition en province de tous les décrets coûte excessivement cher « l’envoi d’un décret reviendrait à 100 000 francs17. »
Pourtant, arrivées à destination, les mêmes lois s’appliquent dans tous les départements. La Révolution brise le cadre des anciennes provinces, elle donne une administration locale décentralisée, la même pour tout le pays, qui garantit le respect des libertés.
Le décret du 14-16 frimaire an II (4-6 décembre 1793) centralise pour la première fois la publication des lois en créant le Bulletin, réservé à l’impression des lois de portée générale. En prairial an II (juin 1794), la Convention met en place le Bulletin des lois. Isabelle Rouge-Ducos explique qu’en créant ce Bulletin, « la publication vaut promulgation. » Elle précise que « la promulgation se fait dans les vingt-quatre heures qui suivent la réception du texte par les autorités chargées de l’application de la loi. L’envoi, officiel et réglementé, devient plus important que la promulgation assurée par les autorités subalternes. Ce système met l’accent sur l’exécution des lois et moins sur la loi elle-même, dans la recherche d’une efficacité accrue du gouvernement révolutionnaire18. »
La loi est effective, on la publie pour l’appliquer, elle se diffuse à travers la France. Elle a deux fonctions. La première diffuse, de portée normative, transforme l’opinion publique, forme de nouvelles mœurs et fonde l’ordre. La seconde, impérative, perpétue la maréchaussée, l’implante sur le territoire. Cependant elle crée une catégorie d’individus indésirables (émigrés, réfractaires), des hommes jugés coupables (déserteurs) que les gendarmes devront arrêter. La loi pour fonctionner doit être acceptée. Aussi, comment se comporteront les populations face à la violence des lois ? Les violences à la loi ne vont-t- elles pas se reporter sur les gendarmes ?
17 CASTALDO (André), Les méthodes de travail de la Constituante, Vendôme, Presses universitaires de France, 1989, p. 281.
18 ROUGE-DUCOS (Isabelle) (Ré)Inventer la loi dans Le pouvoir en actes, op. cit., p.90.
18

Les décrets ci-dessus, concernant la maréchaussée, la force publique, la confection des lois, montrent la volonté des constituants d’assurer l’organisation de la France nouvelle comme le processus d’une volonté générale. C'est-à-dire que chacun détient une part de responsabilité ; la loi définit les méthodes d’intervention ce qui amène à une force publique qui respecte les droits de l’homme et empêche les interventions arbitraires. Quant à la gendarmerie, elle est une force publique destinée à agir contre les perturbateurs de l’ordre et de la paix, elle doit donc se plier à la loi. Elle n’intervient que conformément à une réquisition légale.
La loi conserve la maréchaussée. Ses missions sont d’ordre civil, seront-elles pérennisées ? La gendarmerie renforcée, présente sur tout le territoire français, aura-t-elle des fonctions, fruit d’une longue expérience, identiques à celles de la maréchaussée ? La Révolution bouleverse-t-elle cette troupe au service de la loi? Est-elle confrontée à d’autres problématiques ?
La nouvelle société, issue de la Révolution, change-t-elle fondamentalement les mœurs françaises ? Les hommes nouveaux peuvent-ils détourner le cours des choses, supprimer la délinquance, obligeant les gendarmes à disparaître ?
Les députés éprouvent de la défiance vis-à-vis de la gendarmerie. Le 5 janvier 1792, Danthon, député de l’Isère19, souligne que tant que la tranquillité publique ne sera pas assurée par le service actif de la force publique, le recouvrement des impôts ne s’effectuera pas, les troubles à l’ordre augmenteront. Pourtant il considère la gendarmerie entre les mains de l’autorité comme « trop puissante et trop dangereuse » dans un pays en paix et « impuissante dans les temps de troubles ».
Il préconise de diviser la gendarmerie en deux parties, l’une employée au service ordinaire, l’autre tenue en garnison, pour la former à l’art militaire. Il demande que les brigades de gendarmerie soient renouvelées tous les six mois, « c'est-à-dire qu’elles ne pourront rester plus de six mois dans le même lieu». Une organisation aussi instable permet-elle de répondre au maintien de l’ordre ?
Le même jour, à l’Assemblée législative, Albitte, député de Seine-Inférieure, formule l’espoir que la paix et la tranquillité intérieure viendraient rendre inutile une force de gendarmerie. Dans son discours, il affirme que « la liberté individuelle est plus respectée, là où la police n’est pas confiée au despotisme militaire ».
19 A.P. Danthon parle sur l’organisation de la gendarmerie, le 5 janvier 1792, tome 37, p. 97. 19

La société réclame la sécurité et l’ordre dans une période de désordre, elle réclame aussi que les libertés individuelles soient respectées20. « Il s’agit de faire de l’ordre avec du désordre, de concilier la double demande d’une plus grande liberté et d’une plus grande sécurité21. »
La gendarmerie est sujette à suspicions, comment réfréner son pouvoir arbitraire bien réel sous l’Ancien Régime, comment l’empêcher d’outrepasser ses devoirs ? La séparation des pouvoirs entre justice et police oblige-t-elle les gendarmes à devenir de vrais représentants des lois ? La réorganisation de ce corps permet-elle d’atténuer le rôle essentiellement répressif des gendarmes au profit des citoyens égaux devant la loi ? En effet, pour assurer la liberté nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes prescrites. Il est interdit de maltraiter, d’injurier et d’employer la violence contre les personnes arrêtées, de plus, un homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable.
La gendarmerie est donc une force spécialement chargée du maintien de l’ordre. Toutefois, même si « de bonnes lois font plus que l’appareil de la force », comment vont réagir les gendarmes sur le terrain face aux contrevenants, aux émeutiers, comment vont-ils répondre aux violences ? La désignation de l’autorité responsable est essentielle. Les députés veulent que les administrations aient une influence sur la nomination des gendarmes. Comment normaliser cette institution, malgré la guerre, l’instabilité politique et économique ? Sous le Directoire, les gendarmes font la chasse aux prêtres réfractaires, aux déserteurs. Comment faire face à une population hostile qui protège ses prêtres et ses enfants ?
Il a fallu poser un cadre géographique de recherche qui mette en lumière l’installation des gendarmes dans un département. Les brigades sont présentes dans les anciennes provinces, avec la Révolution, leur nombre va s’accroitre à l’intérieur du département nouvellement créé. Notre ambition est de mettre en évidence la dépendance de la gendarmerie. Elle est placée entre un pouvoir politique central qui ordonne (les lois émanent de lui) et une administration locale qui ne parvient pas à faire appliquer les lois, à défaut de moyens ou par manque de volonté politique. Nous retrouvons notre problématique,à savoir, comment donner force à la loi au sein du département ?
20 A.P. Albitte, député de Seine-Inférieure parle sur l’organisation de la gendarmerie, le 5 janvier 1792, tome 37, p. 97.
21 GAINOT (Bernard) et DENIS (Vincent),Un siècle d’ordre public en Révolution (de 1789 à la Troisième République), Paris, Collection des études révolutionnaires n°11, Société des études robespierristes, 2009, p.5.
20
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