PISTOLET COLT 1911

Bonsoir à tous,

Adopté par l’armée américaine il y a désormais un siècle, ce P.A. qui a rencontré un immense succès militaire et commercial mérite, au même titre que le Luger, le qualificatif d’arme de légende. Après pratiquement 10 années d’incessantes recherches, ponctuées d’essais aussi nombreux que méthodiques, John Moses Browning est sur le point de parachever ce qui sera considéré pour beaucoup comme son œuvre maitresse et la consécration de sa carrière d’armurier.

Mi-mars 1911, son dernier prototype, le « Special Army n°5 » testé à l’arsenal de Springfield en sa présence, doublée de celle de William Skinner, président de chez Colt, et du chef de fabrication Thomas K. North, vient de passer avec succès les dernières épreuves de sélection. Pour preuve : moins d’une semaine plus tard, le général W. B. Crozier, figure emblématique de l’Ordnance appuie de toute son autorité ce choix, qui sera officiellement entériné par le secrétaire d’état à la guerre : Jacob M. Dickinson.
L’acte de naissance de l’ »Automatic Pistol caliber 45 model of 1911 » est signé le mercredi 29 mars, un jour qui fera date dans l’histoire de l’armement des Etats Unis. Le Colt 45 vient de faire son entrée dans l’armée américaine par la grande porte … et y demeurera omniprésent durant près de ¾ de siècle. Ce même 29 mars, le président de chez Colt reçoit un message adressé par le colonel de l’Ordnance John T. Thompson, (le futur inventeur du célèbre P.M.) qui lui apporte confirmation de l’adoption du modèle 1911 et lui demande dans quels délais et à quel coût la firme de Hartford serait susceptible de fournir 30262 pistolets, avec pièces de rechanges et tournevis, le tout devant être livré à l’arsenal de Springfield.

Dans le même temps, le capitaine contrôleur Gilbert H Steward (qui possédait un égo passablement surdimensionné), envoie un câblogramme enjoignant à Colt de lui faire parvenir le plus rapidement possible plusieurs échantillons de P.A. similaires à ceux testés par la commission de manière :  
• A effectuer des essais de munitions à l’arsenal de Frankford
• De réaliser un modèle d’étui approprié à cette arme à l’arsenal de Rock Island.
Dès le lendemain il reçoit une réponse plutôt sèche lui précisant : que le prototype n°2 est à sa disposition, mais uniquement pour servir de patron à la confection d’un étui, en raison de son haut degré d’usure consécutif au tir de plus de 10000 coups. (Cette arme parviendra à l’arsenal de Rock Island le 17 août 1911, après avoir effectué un détour par Springfield, pour servir à la rédaction du manuel d’instruction).

Quant aux prototypes numéros 7, 8 et 9, ils ne seront pas achevés avant deux semaines : tous trois sont réservés. Le n°9 pour le secrétaire d’état à la Guerre Dickinson ; le n°7 pour le général Crozier et le 8 pour le Général Wood, chef d’état major. Sauf en cas, (fortement improbable), de désistement de ces trois personnalités, il s’avère impossible de satisfaire à l’injonction de Stewart.

Skinner se trouve dans ces conditions en position de signifier au présomptueux contrôleur que la confection à la main de nouveaux prototypes va exiger un délai minimum de trois mois, assorti d’un coût estimé à 150$ l’unité … à la charge du contribuable américain bien sûr. A l’origine, il avait été convenu tacitement entre le général Crozier et le président Skinner que le prix du Colt 1911 sans chargeur se situerait à 14.25$.

Après la livraison par la firme d’Hartford des 50000 premiers exemplaires, le gouvernement aurait l’autorisation de faire fabriquer dans ses arsenaux et pour ses propres besoins le « Model of 1911 », à la condition expresse de reverser 2$ de royalties par pistolet (somme destinée à J.M. Browning).

Il était également entendu que pour les futures commandes gouvernementales, l’Ordnance ne pourrait pas réaliser dans ses établissements plus d’un tiers du montant de celles-ci, Colt se réservant le monopole de la production des deux tiers restants. Il s’en suivit de véhémences protestations de la part des autorités U.S., qui finirent par obtenir de Colt certaines concessions comme la possibilité pour Springfield de pouvoir débuter la production après le cumul de commandes atteignant 50000 exemplaires.
Dans la foulée, les négociateurs gouvernementaux arrachent une réduction d’un demi-dollar par arme, mais Colt obtient en contrepartie que le montant de la première commande passe de 30262 à 31344 unités. Entre le 5 mai 1911 et le 5 décembre 1912, l’armée et la marine vont passer pas moins des 21 ordres d’achat portant sur la fourniture de 72570 pistolets assortis de 145624 chargeurs et quelques 6500 pièces de rechanges diverses.

La production en série ne débutera timidement qu’à la fin de l’année 1911 avec 40 exemplaires achevés le 28 décembre, et 11 le lendemain. Le premier exemplaire commercial ne sortira de l’usine que le 9 mars 1912 et le rythme de croisière plutôt poussif ne sera pas atteint avant la fin août. Lorsque l’année 1912 s’achève, on arrive à un total qui se situe péniblement à 17500 exemplaires militaires, (marquage : United States Property). Ce n’est qu’à la fin de 1913 que sera franchi le cap des 100000 exemplaires. Au registre des productions commerciales, (armes matriculées du préfixe « C » devant le numéro, et marquage : Government Model), la situation n’est guère plus brillante avec 1900 exemplaires en 1912, 3500 en 1913 et 11200 en 1914.

On est encore loin de pouvoir rivaliser avec les grandes firmes européennes de l’époque comme la F.N., Mauser ou la DWM. C’est incontestablement le début du conflit en aout 1914, puis l’entrée en guerre des U.S.A. trois ans après qui vont faire grimper la production du modèle 1911 aux plus hauts sommets, avec les commandes massives du gouvernement américain et des nations alliées.

A cette époque, Colt a dû mobiliser plus du tiers de ses 10000 ouvriers pour la mise en œuvre de son pistolet fétiche. Hartford et Springfield ne pouvant faire face pour satisfaire les énormes besoins engendrés par le conflit, il serait fait appel à Remington-U.M.C. pour la fourniture de 210676 exemplaires.
D’autres entreprises seront ultérieurement contactées comme A.J. Savage Munitions Co ou, au Canada, la North American Arms Co de Québec, mais l’armistice de novembre 1918 surviendra avant que ne puisse débuter la production en grande série. Outre l’armée U.S., Colt procurera des 1911 à la Grande Bretagne (19000 exemplaires), au Canada (5000 exemplaires), à la Russie (51000 exemplaires) ainsi qu’à la France (5000 exemplaires).

Le Colt connaitra son baptême du feu lors de l’expédition des marines sur Vera Cruz en mai 1914. C’est à cette occasion que Mac Arthur, répondant coup pour coup, son Colt 45 Auto à la main éliminera deux de ses adversaires, non sans avoir reçu, mais sans être blessé, trois balles dans son uniforme. En 1916, au Mexique, sous les ordres du général Pershing, Patton alors jeune officier de cavalerie va se retrouver confronté à l’un des lieutenants de Pancho Villa, Julio Cerdenas. Pris par surprise, ce dernier accompagné de deux de ses hommes fait feu sur Patton qui réplique et les abat tous les trois avec son tout nouveau Colt 45.

La légende prétend que Patton, tireur émérite, aurait limé la gâchette de son arme afin de diminuer la dureté de la détente. Winston Churchill, grand amateur d’armes, après son idylle de jeunesse avec le Mauser C96, choisira un Colt 1911 chambré en 45 auto, lorsqu’il fut nommé commandant de réserve en France en novembre 1918. Sur ce pistolet historique portant le numéro C15566 se trouve gravée sur la face droite de la glissière l’inscription : Winston Spencer Churchill.

Pendant la Première Guerre Mondiale, ce pistolet révèle quelques défauts qui sont repris en 1926 avec le 1911A1. Les modifications demandées, dès 1924, portent sur un busc plus long, empêchant le pincement de la peau entre le pouce et l'index lors du réarmement du chien ; un chien a crête large, plus facile à armer ; un logement de ressort plus proéminant permettant une prise en main qui fait remonter légèrement le canon ; une détente plus courte dans le pontet, permettant l’emploi de gants ; des organes de visée plus clair et des plaquettes de crosse en plastique. Cette version est mise en production en 1937 et sa fabrication est arrêtée en 1945 mais il reste largement utilisé pendant les guerres de Corée et du Vietnam.

Le colt 1911 A1 a été parachuté dans les Maquis de l'Ain, conjointement avec le revolver Smith et Wesson. Il arme les servants d'armes collectives, comme la mitrailleuse 1919 A2 dans la 5e compagnie FUJP. Il est en service dans les corps franc, comme le groupe franc Pierrot de la compagnie Robespierre et le GF Antoine dit Sans Pardon, mais aussi dans le 4e bataillon FTP où plusieurs gendarmes aindinois entrés en résistance ont œuvré.

Merci pour cet état de fait historique concernant le P.A. Colt45